LE CONGO ÉTAT EST UNE FICTION


Le Premier ministre belge qui dit tout haut

Qu’il n’y a pas d’État au Congo

Ma foi, n’avait pas du tout tort

Certes, il n’a pas été très diplomate

Mais il a dit des choses que nul n’ignore

Le Ministre a posé un fort bel acte

Néanmoins, ne voilà-t-il pas un opprobre

Que de tels propos émanent d’un étranger ?

Cela doit choquer un esprit sain et sobre

Peiner l’homme mentalement équilibré

Mon rôle se borne ici à vous montrer

Qu’en connaissance de cause

Horrifié, l’homme d’État belge a parlé

Racontant des histoires pas du tout roses

En réalité, relever les tares de ce… « pays »

Est un travail titanesque

Qui peut prendre cent mille pages ou presque

Et là encore, on n’en aura pas fini…

(Prenez ici le vocable « pays »

pour une bonne compréhension, je vous en prie

dans tous les sens que vous voulez

Mais pas dans le sens d’ « État » : ce serait pécher !)

Moi, pour ma part, je ne vais que me cantonner

À tout ce qui me passera par la tête

Ce texte est un déversoir de cœur brisé

Soulagement de ma conscience en miettes

Je ne prétends pas écrire des volumes entiers

De quelque cinq papiers je me contenterai

Qu’ils ne vous soient pas ennuyeux

Je m’y emploierai de mon mieux

A. Le non-État politique

1. Les frontières

Affirmer que le Congo a une frontière

Est un euphémisme patent

Le Congo est une poudrière

Percée de toutes parts et cela de tout temps

On dirait une moustiquaire

Débarrassée de son voile du côté Est

Les déchirures du Sud, quelle misère !

L’ensemble donne un aspect si funeste… !

La soi-disant frontière n’est que virtuelle

Une illusion entretenue par la C.I. ([1])

Une illusion marchant presque à merveille

Souveraineté bien farcie

2. Les troupes

Extrêmement mal formées et très mal payées

Sont les troupes de ce bled appelé Congo

Sans ordre, complètement désorganisées

Nos militaires voient leurs plans tomber à l’eau

Incapables de remporter une victoire

Que protègent-ils comme territoire ?

Leur présence est signe d’insécurité

Au lieu d’être rassuré, on est inquiété

Une armée voleuse, violeuse, pilleuse

En bref, une armée honteuse

3. Ceux qui dirigent le coin

Ici, les politiciens n’existent que de nom

Le mot « Gouvernement » englobe tous les maux

Ces gens, pour la nation, constituent un poison

(« Nation » employé ici faute d’autres mots)

Les incompétents pullulent

Ceux dits compétents s’annulent

La médiocrité constitue leur front commun

L’intérêt général ? Une vieille histoire…

Servir le peuple est pour eux illusoire

Fort ténébreux sont leurs desseins

Les caisses publiques sont un champ cultivé

Les politiciens sont des criquets pèlerins

L’argent du peuple est une mare infestée

Des sangsues qui ne laissent absolument rien

Les services publics sont à sec, exsangues

L’appareil administratif est dévasté

Ces prédateurs gonflent leurs comptes en banque

Leur gestion du Congo est une calamité

Ainsi, j’affirme à bon droit

Que ce patelin n’a pas de gouvernement

Que des ministres et des hommes d’État apparents

En fait, des suppôts de Satan sans foi ni loi

B. Le non-État économique

1. Le budget

Contrée riche et ce, scandaleusement

Couchée, semble-t-il, sur un socle minier

Le Congo, c’est l’enfer, vraiment !

Ses ressources fiduciaires font bien pitié !

Gros bled doté d’un budget plus que minable

Moins de six milliard de dollars, c’est à pleurer

Situation on ne peut plus insupportable

Au fait, il y a encore plus horripilant

C’est que c’est fort connu depuis assez longtemps

Que notre infime budget est supporté

En grande partie par des fonds non nationaux

Les conséquences ? Facile à deviner

L’aide étrangère, elle est à tous les niveaux

Pour construire une latrine ([2]), un petit pont

Les gens croisent les bras, ils attendent des dons

Sans cesse, le Congo ne cesse de mendier

Et il y prend plaisir, en est tout excité

2. Le pouvoir d’achat du commun

Les services publics étant saignés à blanc

Les fonctionnaires ne touchent que des miettes

Ils traversent une très profonde disette

C’est une misère obscure, sans précédent

Le bled Congo a un PNB injurieux

Son PIB ne peut pas faire des envieux

La RDC est championne de pauvreté

Du sous-développement elle est médaillée

Indescriptible, voire insoutenable

Semble la vie de chaque jour du Congolais

Le désir d’en finir est chez lui palpable

Il en marre, dégoûté de ce qu’il fait

Il rêve d’un monde meilleur

L’Europe, l’Asie, les States ; bref, ailleurs…

C. La non-nation

1. Des gens hétéroclites

Que le bled Congo ait presque 400 ethnies

La chose passe encore

Mais ajouter des étrangers dans la série

Là, franchement, je perds le Nord

Ce coin fourmille des résidents libanais

Coréens, indiens, chinois, maliens, pakistanais

Angolais, voire soudanais

Tous arguent haut et fort qu’ils sont des Congolais !

J’ai failli oublier les Rwandais, les Burundais

Des États-Unis les valets

Si le terme « population »

Désigne l’ensemble des habitants d’un pays

Au Congo, je dirai qu’elle est bien établie

Encore que j’emploie « pays » avec circonspection

Quant à parler d’une nation, je regrette

Au Congo, il n’y en a guère

Ça saute aux yeux de façon plus que nette

Et ce, pour au moins une raison

C’est que les personnes qui peuplent le Congo

Sont hétéroclites, à un tel niveau

Qu’oser évoquer l’identité culturelle

S’avère une pure folie

Quelle diversité d’ethnie !

Il nous a bien gâtés, le ciel !

Inutile de parler de ces ressortissants

Qui, déjà entre eux, n’ont aucune identité

Culturellement, avec ce bled, pas d’intérêt

À moins qu’il soit pécuniaire, cela s’entend

2. Le non-désir de s’unir

Cette guéguerre sans fin que nous traversons

La crise dans laquelle nous nous enfonçons

Le soi-disant peuple congolais s’en tape

Il se fout de la situation qui dérape

Une chose pourtant semble bien l’intéresser

Là, du moins, presque tout le Congo est d’accord

La célébration de Dame Médiocrité

C’est un mets fort apprécié : on dirait de l’or

Le peuple de la flemme, de la jouissance

Qui se vautre dans une ignoble licence

Il est une autre anti-valeur de taille

Qui semble très bien identifier le Congolais

Qu’il soit intellectuel ou de la racaille

Qu’il soit riche ou tout pauvret

J’ai cité le tribalisme

Cette gangrène mère de tous les schismes

3. Le tribalisme

Kinshasa est une mégalopole, dit-on

Pareil pour Lubumbashi ou Kisangani

Qui rassemblent plusieurs ethnies

Quoi de plus con !

Ni mégalopoles ni cosmopolites

Ne sont ces villes ou cités

Elles sont plutôt tribalistes ([3])

Leurs habitants n’ont pas de désir d’unité

Voulez-vous devenir prof au Campus ?

C’est simple : soyez Mukongo ou Muluba

Cela vous évitera des ennuis en bonus

Votre carrière, à l’aise, prospérera

Partis politiques et familles élargies

Riment parfaitement dans ce bled de timbrés

Si vous n’êtes pas du clan, ben, faut pas forcer !

C’est un principe bien établi

Le tribalisme intellectuel, ça passe

Mais pas dans les lieux de prière

Où tous, du moins en théorie, on est des frères

Conduits par l’Esprit et Ses multiples grâces

Dans la Commission des Jeunes, tel chef se plaît

À ne désigner que des gens de sa région

La prêtrise n’échappe pas à ce poison

Les pasteurs aussi sont rongés par cette plaie

Au Congo, les intellectuels sont de papier

Et les religieux de paille

Une hypocrisie des plus caractérisées

Se mélange ici à une idiotie de taille

Le bled Congo souffre enfin

D’un tribalisme social presque naturel

Un modus vivendi bien réel

Un comportement tenace et très commun

Il est un grand nombre de gens

Qui ne peuvent pas supporter

Dans leur quotidien la présence des « étrangers »

Une telle façon d’agir, c’est vraiment aberrant

Tel a 90 % d’amis nande

Et il ne peut marier qu’une girl du Nord-Kivu

Que voilà des mœurs dépassées !

Tout cela engendre d’inutiles tabous

Frein à toute forme de développement

Le tribalisme détruit dangereusement

D. Le non-État de droit

Il semble et cela tend à se vérifier

Que sur le plan juridique

Le Congo-État n’est pas un fait utopique

Mais bel et bien une réalité

S’il y a encore une chose

Dans cet enfer, qui a un semblant de beauté

Et qui permet de rêver d’une vie rose

C’est bien nos lois, nos règlements, nos arrêtés

Cela, bien entendu, du point de vue forme

C’est que le fond de nos textes laisse pantois

La plupart sont contradictoires, informes

Crucifiant, parodiant le droit

Lauréats dans la caducité

Dame Légistique est constamment violée

Quid alors de l’application de tous ces prescrits ?

Sans rire, dans la pratique, on en fait fi

Mieux encore

Nous ne pratiquons que la où la loi se tord

Quand les articles donnent un air logique

Une voix dit : « Pas touche à ça ! C’est merdique » !

Le Congolais moyen aux textes cohérents

Est tout à fait allergique

Argumentons cette strophe des cas patents

Et souffrez mes propos peu dithyrambiques

1. Les errements de la loi

Parmi les situations où la loi se plante

Telle une substance gluante

Parlons de l’instauration du monopole

Dans certains de nos soi-disant services publics

Une idée folle

Dont le succès est onirique

La SONAS, certes, semble encore fonctionner

Mais elle marcherait mieux si elle était aidée

Épaulée par deux ou trois compagnies privées

Les sinistres seraient ainsi mieux identifiés

Seule dans le domaine des assurances

La SONAS est comme un gros aspirateur

Qui, avec courage, se lance

Dans un but qui laisse rêveur :

Tenter de gober le sable du Sahara

Dont les grains constituent les risques à couvrir

L’énorme sac aura tôt fait de se remplir

Puis, rapidement, craquera

Et là, je ne parle pas de tous les risques

Seulement de ceux par la SONAS supportés

Ainsi donc, il est temps de changer de disque

Le but : les assurances décongestionner

Disons à présent quelque chose sur la SNEL

Jouissant d’un monopole plus que démentiel

Une société mort-vivante ([4])

Qui croit exister, tel un zombie

D’en haut, Kin fait pitié la nuit

Une obscurité palpable, pénétrante

À fortiori, dans tout le reste du Congo

Les ténèbres sont à découper au couteau !

Les rares endroits bénéficiant du courant

C’est exceptionnel qu’ils l’aient régulièrement

Coupures intempestives

Et quelle électricité ! Toute pourrie !

Il semble que la SNEL n’ait qu’une devise

Rendre intenable des abonnés la vie

Un fou qui connaît sa folie est sage

Mais un fou qui se croit sage est vraiment fou

La SNEL prétend disposer de tous les atouts

Alors qu’elle vogue dans les nuages

Ne lui évoquez pas le mot « privatisation »

Ça lui crève tous les tympans

La SNEL se dit « Providence », étant en haillons

Les particuliers, elle s’en fout éperdument

La SNEL, cette monstruosité

M’inspire d’apocalyptiques scénarios

Toutes les turbines d’Inga vont s’arrêter

Fini la Chimère ([5]) et tous ses numéros

La SNEL vampire et zombie

Ne bénéficiera plus d’aucune survie

Pour elle, plus de résurrection

Pour elle, point de compassion

2. La loi dit vrai

Le bled Congo n’a pas que des lois à la con

Il lui arrive de créer des textes sensés

Par exemple, le Code des Obligations

Que les Belges nous ont laissé

On y traite des conventions et des contrats

Menant au respect de la parole donnée

C’est un Code gros comme ça

Très utile à la société

Malheureusement, la société au Congo

Est une malade mentale

Son ignorance du droit est abyssale

Des textes et prescrits sains il tourne le dos

Les paiements à l’échéance

Que dis-je ? Les paiements tout court

Le Congolais lambda n’en a aucun amour

À ses yeux, c’est une souffrance

Malgré lui, le Congolais vit des imprévus

Numéro un des contre-temps

Son mépris des rendez-vous est désespérant

Son irrespect des heures, des jours, est connu

Le dicton « À chaque jour suffit sa peine »

Est ici appliqué de manière malsaine

Une autre loi merveilleuse

Mais néanmoins incomplète

Et dont la pratique est très peu radieuse

Accomplie à la sauvette

Est le fameux Code Pénal

Pour le droit, un morceau vital

Mais dans les faits, un lingot d’or jeté aux porcs

Insulte pour l’esprit qui dort

Or fort malheureusement, l’esprit congolais

Est généralement très lent, quelque peu niais

La loi belge du 30 janvier 40 ([6])

Au bled Congo, est foulée aux pieds, déchirée

Sa négligence y est trop révoltante

Au regard de la vulgaire, c’est un déchet

Les délits les plus anodins

De même que les crimes les plus crapuleux

- Et cela est très dangereux -

Sont commis dans un état d’âme plus que serein

Ma foi, dans l’impunité la plus totale

Avec un acharnement animal

La règle ici, c’est délinquer ([7])

L’exception est se conformer

3. Du système judiciaire

À part les cerbères de la politique

Dont la malhonnêteté a atteint les pics

Nos avocats, nos magistrats

Sont également des as de la magouille

Sans relâche, ils farfouillent

Histoire de jouer des coups bas

L’innocent devient coupable

Le malfaiteur est disculpé

Le bandit déambule sans trop s’inquiéter

Le probe purge une peine insoutenable

4. De l’état des locaux des tribunaux

Ici, je ne me perdrai pas en commentaires

Amplement, deux mots suffiront

Pour établir une comparaison :

La crasse et la misère

Au sens propre tout comme au sens figuré

Des affaires nébuleuses

Fomentées, ourdies dans des salles hideuses

Le décor donne la nausée

À suivre…


[1] La Communauté Internationale

[2] Je me réserve le droit d’employer « latrine » au singulier, pour vous montrer la sordidité de ce terroir appelé Congo…

[3] Ce mot n’existe pas dans le dico, certes, mais il faudrait l’inventer…

[4] Souffrez encore, lecteurs, cet égarement. En effet, « mort-vivante » n’existe pas… Il s’agit donc d’une licence poétique.

[5] Chimère = SNEL

[6] Le Code Pénal, quoi…

[7] Jouer au délinquant de manière plus ou moins crédible