UN PETIT
MOT SUR LES CANDIDATS « PRÉSÉLECTIONNÉS » (SIC) AU CONCOURS DE LA MAGISTRATURE
Du samedi 17 octobre au lundi 19
octobre 2009, après plus de 11 ans d’attente et aux termes de multiples reports,
un simulacre de concours fut organisé par le Conseil Supérieur de la
Magistrature (CSM) un peu partout en RDC. Environ 13 000 (dont plus ou
moins 8 500 dans la seule ville-province-égout de Kinshasa) inscrits,
moins de 3 000 retenus en « présélection ». À l’issue d’une
série d’épreuves aussi transparentes qu’une planche à repasser peinte en noir,
dont la surveillance (surtout dans la capitale) était aussi relâchée
que guetter un moineau sur son perchoir à 20 km de son perchoir. Plusieurs
candidats connaissaient en effet la teneur desdites épreuves, à la question
près, de nombreuses heures, voire de nombreux jours à l’avance ! Ce fait
n’est même plus à démontrer…
Mercredi 20 janvier dans la soirée,
une liste alphabétique bizarrement non numérotée est affichée dans les valves
et sur les tableaux de la Cour Suprême de Justice et du Palais de Justice.
C’est la joie pour certains, le désenchantement pour la majorité. Parmi ceux
dont les noms sont repris sur les listes, plusieurs savaient au moins une
semaine plus tôt qu’ils réussiraient. Pire ! Je connais personnellement
des individus que le scrupule n’étouffe pas, qui, bien que n’ayant aucun
dossier constitué et, par conséquent, bien que n’ayant jamais participé au
concours, ont vu leur nom reproduit !!! Allez-y comprendre quelque chose…
D’autres, qui étaient pourtant omis de la liste des candidats, ont osé passer
le concours et ont miraculeusement réussi. Et beaucoup parmi eux ne sont même
pas licenciés en droit ! Quelle jungle touffue, le Congo Démo(n)cratique !
Autre fumeux détail : les
candidats retenus ont l’obligation de déposer une copie de la page de la liste
sur laquelle se retrouve leur nom, ainsi qu’une copie de leur carte d’identité.
Sachant que les instances concernées n’ont mis à la disposition desdits
candidats aucune liste officielle, c’est auprès des journaux de la place qu’il
convient de rechercher l’information utile. Comble du désordre, les listes
varient d’un journal à l’autre ! Et je ne vous parle même pas de multiples
cas de mauvaise orthographe des noms, qui rajoutent à la confusion… Entre nous,
est-ce sérieux, pour une instance étatique de considérer comme preuve un
document de cette importance imprimé dans un ou plusieurs journaux, document
non signé, plein de fautes et d’incohérences.
Au moins, ces journaux ont numéroté
les listes, ce que s’est refusé de faire le CSM pour une raison qui nous
échappe. C’est ainsi qu’on s’est aisément aperçu qu’il n’y avait pas 2 500
candidats « présélectionnés », mais en moyenne (car il faut bien
parler de moyenne) 2 380. Où se sont volatilisés les autres noms ? Va-t-on
établir une liste additionnelle ou insérer de nouveaux noms dans la liste
existante ? Question mark…
Parlons à présent de ce fameux
« test oral », initialement prévu le 27 janvier, mais à présent
reporté à une date x. Pourquoi un tel filtrage, inventé, semble-t-il de toutes
pièces par le cabinet du ministre de la Justice ? N’est-ce pas là
l’occasion rêvée d’encore mieux cibler, en haut lieu, les candidats « les
plus recommandés » ? En effet, sur base de quels critères va-t-on coter
les « présélectionnés » ? Sur base de réponses aux questions
posées ? De la tronche du présélectionné ? De son discours ? De
sa tenue ? De l’humeur du correcteur ? Mystère ! Voilà la porte
toute indiquée vers l’arbitraire le plus total… Ou plutôt vers l’arbitraire
influencé ! Affaire à suivre.
Addenda : dans la peau d’un membre du CSM, avant
et après « correction »
Avant « correction » :
« Bon ! Enfin, ce putain de concours
vient de se dérouler. Ça fait pas mal de copies à corriger ! Avec le pognon
que les Blancs nous ont donné, on doit faire semblant de corriger et, si
possible, y mettre le temps nécessaire. Disons… trois mois, jour pour jour.
Hum… ! Ça risque d’être limite-limite, 90 jours. Le nombre de recommandations
que nous avons reçues est tout simplement stupéfiant !!! La présidence, la
primature, les ministres, le parlement, les directeurs des sociétés privées,
entreprises publiques et autres, mes collègues magistrats, mes deux nièces, mon
beauf, … Bref, du beau monde ! »
Le temps des
« corrections » passé :
« Après savants équilibrages et innommables tours de passe-passe, on est
parvenu à retenir 2 500 élus (bof, 2 500, c’est une façon de parler,
y en a légèrement moins. Mais pour embobiner les gens, on va publier les listes
sans les numéroter). Certes, les recommandés ont dépassé plus que la moitié des
heureux retenus, mais faisons quand même croire aux Blancs que tout est impec.
C’est pourquoi on a inséré les meilleurs éléments. Ceux qui, malgré nos
innombrables filtres, ont passé les mailles du filet, bénéficient d’une chance
inouïe. Je ne crois pas qu’ils résisteront au test oral qui les attend dans les
prochains jours. Son caractère hautement aléatoire jouera grandement en faveur
des recommandés. Tiens, j’ai un appel… Allo !... Oui ?... Ah,
Gontran !... Désolé, mec, fallait y songer plus tôt. Tout est fin prêt e
ton affiche demain soir… Quoi ?... Garde ton fric, ça ne sert à rien, j’te
dis… (Fin de l’appel). Non,
mais ! Quel distrait, ce Gontran. Où était-il tout ce temps ? ».